Peut-on encore bâtir des entreprises responsables ET ambitieuses ? Avec Frédéric Mazzella
- Fiona Kornalewski

- 22 oct.
- 13 min de lecture
Cet article est une retranscription synthétisée de l’interview de Frédéric Mazzella guidée par Pierre-Alix Lloret-Bavai, sur la thématique "Diriger, innover, transformer en période d’incertitude : peut-on encore bâtir des entreprises responsables ET ambitieuses ?" le 16 octobre 2025.
Pierre-Alix Lloret Bavai : Les utilisateurs de BlaBlaCar mettent souvent en avant le bénéfice écologique du service. Avec plus de 10 millions d’utilisateurs et en tant que première licorne française, avez-vous pu mesurer les bénéfices sociétaux et écologiques concrets de BlaBlaCar ?
Frédéric Mazzella : Nous sommes partis d'un constat simple : mieux vaut plusieurs personnes par voiture qu'une seule. Nous avons mené des études approfondies, notamment sur 85 millions de trajets analysés, pour mesurer les reports modaux et comprendre l'impact réel de BlaBlaCar.
En comparant un monde avec et sans BlaBlaCar, nous avons calculé une différence de 2,5 millions de tonnes de CO₂ économisées chaque année – soit deux fois les émissions du trafic routier parisien annuel, ou environ 0,5 % des émissions totales de la France.
Ce qui nous plaît dans le développement de BlaBlaCar, c'est l'aspect rationnel et écologique, la création de lien social et les économies générées. Mais nos sondages révèlent que la première raison d'utilisation reste le prix avantageux.
C'est cette combinaison gagnante – économie d'énergie donc économie d'argent – qui explique notre succès : 100 millions d'utilisateurs dans plus de 20 pays, du Brésil à l'Inde, avec 20 % du trafic hors France et une équipe de plus de 1 000 personnes.
L'impact social est également remarquable : 51 % des covoitureurs disent avoir rencontré des gens qu'ils n'auraient jamais croisés autrement, favorisant une vraie mixité sociale. Il y a aussi des reconnexions surprenantes – quelqu'un du même village, d'anciens camarades.
Une statistique que j'aime particulièrement : 21 % des utilisateurs ont confié en covoiturage quelque chose qu'ils n'avaient jamais dit à personne. BlaBlaCar devient ainsi un peu "le plus grand psy du pays" . En voiture, on regarde devant, pas dans les yeux, ce qui facilite certaines confidences – une méthode que les psys utilisent d'ailleurs souvent. Mais cela s'arrête là : nous restons avant tout un service de déplacement !
PL : Dans tous les rapports sur la transition écologique, on souligne qu’il est nécessaire de réduire le nombre de voitures sur les routes et d’augmenter le taux d’occupation des véhicules. Le covoiturage apparaît donc comme un levier important de cette transition. Avec le recul, il semble évident qu’il fallait développer cette pratique à grande échelle.
Ma question est la suivante : est-ce que la motivation initiale de la création de BlaBlaCar était guidée par ces considérations écologiques et sociales, ou la prise de conscience de ces bénéfices est-elle venue après coup ?
FM : J'ai créé BlaBlaCar parce que je me suis dit que ça devait exister, suite à un besoin personnel de déplacement.
Un jour, je devais rentrer en Vendée pour les fêtes de fin d'année. Comme souvent, je m'y suis pris au dernier moment et je n'avais plus de train. J'ai fini par appeler ma petite sœur qui habitait à Rouen pour qu'elle fasse un détour et passe me chercher à Paris avec sa voiture.
À un moment, un TGV nous double et je lui dis : "Tu vois le TGV là, je suis sûr qu'il est plein parce que j'ai regardé et il n'y avait plus de place."
En même temps, je vois des dizaines, des centaines de voitures quasi vides rouler dans exactement la même direction. Et là, le déclic : c'est fou, des places pour aller en Vendée, il y en avait plein ! Seulement elles n'étaient plus dans les trains, elles étaient dans les voitures.
Je me suis dit qu'il faudrait indexer toutes ces places, créer un service où on peut trouver et réserver des places libres dans les voitures comme on réserve une place de train. Moi j'ai trouvé une place, mais c'était dans la voiture de ma petite sœur et il fallait la connaître – ça ne fait pas un service national. Il fallait faire quelque chose d'un peu plus grand.
Voilà l'idée de départ, partie d'un besoin personnel. Ensuite, il faut tout de suite essayer de voir toutes les raisons pour lesquelles ça peut marcher ou ne pas marcher. C'est tout le travail quand on se lance dans un projet : étudier tous les obstacles sur la route et toutes les motivations qu'on a.
Le constat de départ est frappant : l'inefficacité énergétique des voitures individuelles est terrible. 95% de l'énergie dépensée sert à déplacer la voiture elle-même, seulement 5% sert à déplacer le passager. Pour les trajets en solo, 95% des émissions de CO₂ proviennent du déplacement de tonnes de ferraille, pas des personnes.
En augmentant le nombre de passagers – 2, 3, 4 personnes – on divise proportionnellement les émissions de CO₂ par personne, puisque le coût énergétique principal reste le déplacement du véhicule, indépendamment du nombre d'occupants.
Cette optimisation technologique du monde physique permet aujourd'hui d'éviter 2,5 millions de tonnes de CO₂ par an.
PL : Comment avez-vous pris en compte l'effet rebond ?
FM : Nous avons étudié 85 millions de trajets et fait des dizaines de milliers de sondages pour demander aux gens : qu'est-ce que vous auriez fait si vous n'aviez pas fait de covoiturage ?
C'est très important de savoir s'ils auraient pris leur voiture seuls, un bus, un train, ou s'ils ne se seraient pas déplacés du tout. Nous avons compté tous les reports modaux, tous les effets rebonds. Nous avons poussé l'exercice jusqu'au bout, parce que sinon ça n'a pas de valeur.
Nous sommes même allés plus loin avec la question légitime de l'énergie consommée par l'informatique. Un service comme BlaBlaCar, c'est juste quelques informations qui transitent – quel départ, quel trajet, à quel moment, avec quelle personne. Pas de vidéos, des informations très légères.
Nous avons calculé l'impact de tous nos serveurs, plus celui de toute l'équipe de plus de 1 000 personnes qui travaillent pour BlaBlaCar – tout ce qu'on mange, qu'on se chauffe l'hiver, qu'on se déplace, nos vies normales. Et nous l'avons comparé à l'optimisation qu'on amène pour nos 100 millions d'utilisateurs dans le monde.
Résultat : à chaque fois qu'on émet un kilo de CO₂ pour fournir le service, on économise 700 kilos de CO₂ dans l'atmosphère. C'est ce qu'on appelle un service "impact by design" – construit pour avoir de l'impact. Plus BlaBlaCar livre son service et plus il y a de gens qui l'utilisent, plus ça diminue les émissions de CO₂.
Ça ne change pas le fait qu'il faut faire évoluer la motorisation des voitures, qu'elles consomment moins, et même qu'on se déplace moins. Si on pousse la logique jusqu'au bout, le meilleur déplacement, c'est celui qu'on ne fait pas. Nous, on est là pour optimiser un monde qui est mal optimisé aujourd'hui. D'autres travaillent sur changer les technologies, d'autres sur éviter des déplacements – comme la visio, qui coûte moins cher qu'un déplacement de 10, 20, 50, 100 kilomètres.
PL : La plupart des utilisateurs font du covoiturage pour des raisons financières. Lorsque vous avez vu les résultats de ces analyses, comment as-tu vécu cette réalité ? T'es-tu dit que c'était une mauvaise nouvelle, ou l'as-tu abordé différemment ?
Les faits sont les faits, il faut s'y faire. Ça m'a surpris au début : quand tu rencontres les gens, ils te disent "je fais du covoiturage parce que c'est écologique". Puis tu fais un sondage anonyme et là, la première raison qui sort, c'est "parce que c'est pas cher". En face à face, c'est plus difficile de dire qu'on économise 10 ou 20 €.
Au-delà du défi technologique - faire une plateforme robuste et facile à utiliser - le plus gros enjeu, c'était de faire accepter le covoiturage et de le rendre vraiment désirable. Au début, on me disait : "C'est pour les fauchés qui font de l'auto-stop." Et je répondais : "Non, c'est pour tout le monde. Vous prenez déjà votre voiture à plusieurs, ce n'est pas forcément parce que vous êtes fauché."
C'est pour ça qu'il y a "blabla" dans BlaBlaCar. Quand on s'inscrit, on choisit si on parle beaucoup ou pas en voiture - "Bla", "Bla bla" ou "Bla bla bla". On choisit aussi si on écoute de la musique, si on a des animaux, si on fume... C'est hyper important de savoir dans quelles conditions tu vas voyager. Ça témoigne du caractère social de l'activité.
Il y a plein de gens qui font du covoiturage parce qu'ils n'ont pas envie de faire la route tout seuls et que ça leur permet de rencontrer des gens.
Les conducteurs qui ont pris l'habitude du covoiturage, le jour où ils oublient de publier sur BlaBlaCar et se retrouvent seuls dans leur voiture, ils se disent : "Zut, je roule tout seul et je pollue trois, quatre fois plus." Ça sensibilise. C'est un catalyseur qui montre qu'être plus frugal sur sa consommation d'énergie, ce n'est pas si compliqué et ça s'insère facilement dans nos vies.
On a mené des études qui montrent que beaucoup de gens qui se sont mis au covoiturage se sont mis à d'autres activités d'économie circulaire, parce que ça leur a fait prendre conscience que c'était possible. On a servi de rampe de lancement à d'autres services comme ça.
PL : On pourrait conclure qu'il suffit de faire gagner de l'argent aux gens pour créer du changement. Mais il existe probablement d'autres leviers. Je serais curieux que tu nous parles de Dift, car il me semble qu'on retrouve une mécanique similaire : concilier un intérêt individuel ou collectif avec un bénéfice sociétal, mais cette fois sans passer par le gain financier. Quelle est votre approche et quelle est la théorie du changement que vous développez avec Dift ?
FM : Comme beaucoup de personnes rationnelles et connectées, je suis très sensible à l'évolution du climat. Je me déplace en vélo tous les jours, j'ai réduit drastiquement mes déplacements en avion depuis plus de 10 ans, j'essaie de limiter au strict nécessaire.
Un jour, je vois passer la Marche Climat devant les locaux de BlaBlaCar. Des jeunes avec des panneaux où était écrit : "Quand je serai grand, je voudrais être vivant." J'ai eu un gros choc. Puis j'ai découvert que 75% de la génération Z se dit terrorisée par le futur – c'est préoccupant pour notre société.
Face à ça, je me suis demandé : qu'est-ce que je peux faire ? Qu'est-ce que je sais faire ? Construire des plateformes technologiques. J'ai compris comment la technologie peut changer des comportements, faire évoluer des habitudes.
Pendant la pandémie, 45 jours après le confinement, je vois la MAIF – dont je suis sociétaire – envoyer un message expliquant que sans accidents de voiture, ils sont très bénéficiaires. Ils décident de rendre 100 millions d'euros à la communauté : 30€ par personne, à garder ou à donner à une association. J'ai trouvé ça fabuleux.
Ensuite, j'ai vu des entreprises faire pareil pour les cadeaux de fin d'année – des dons à des associations plutôt que des cadeaux physiques. À chaque fois, elles faisaient ça avec leurs petites mains, sans plateforme. Je me suis dit : il faut construire cette plateforme pour que les entreprises offrent des dons à leurs clients, qui décident ensuite de les aiguiller vers la cause qui leur tient à cœur.
J'ai créé Dift – "don" plus "gift" – une plateforme qui permet aux entreprises et aux particuliers de remplacer des cadeaux physiques – qu'il faut fabriquer, souvent à l'autre bout de la planète, puis transporter – par des dons vers des projets à impact social, environnemental et sanitaire.
Avec les entreprises, nous avons aiguillé 20 millions d'euros vers 300 associations, accompagné 350 entreprises mécènes – dont une douzaine du CAC 40, mais aussi beaucoup de PME et de petites équipes. Le cadeau, c'est universel.
Parcourir les projets sur Dift, c'est extrêmement émotionnel. Tu vois des gens qui agissent sur le terrain, des vrais problèmes, mais aussi des équipes qui se battent. Ça donne beaucoup d'espoir. Face à l'adversité, tu as deux réactions : soit tu t'assois et tu pleures, soit tu agis. Moi, je me dis qu'il faut trouver comment agir.
Nous venons de lancer les cagnottes solidaires – ça démarre très fort. Chacun peut créer une cagnotte pour une cause de son choix et dire à son entourage que pour un anniversaire ou Noël, plutôt qu'un cadeau dont on ne sait pas quoi faire, autant faire un don à l'association qui nous tient à cœur.
Ça fait gagner du temps, ça évite des objets qui finissent au fond d'un tiroir, et ça fait un meilleur usage de cet argent pour les équipes qui se battent contre des problèmes cruciaux pour notre époque.
PL : Nous nous sommes concentrés sur les impacts positifs sociétaux. Je serais curieux de savoir si le modèle d'impact by design - notamment celui de BlaBlaCar - vous rend plus robuste. Pour synthétiser : vous faites de la mobilité sans usine de fabrication automobile, vous distribuez vos services mondialement sans réseau de points de vente physiques.
Sur les plans matériel, humain et du modèle de création de valeur, considères-tu que cette approche by design vous rend plus résilients que d'autres entreprises fortement orientées sur la performance d'un seul indicateur ?
FM : On a vu la résilience de BlaBlaCar pendant la pandémie. Au moment du confinement, avec -99,8% de trafic, il ne restait plus rien. Mais en sortie de crise, c'est reparti quasiment à la verticale, presque immédiatement.
Je pense que cette résilience est liée au fait que c'est une communauté, des gens, des habitudes. Ce n'est pas quelque chose qui peut s'éteindre facilement, parce que c'est du lien entre les gens.
Ce qui fait la résilience, c'est le modèle d'entraide sociale, le modèle communautaire. On a compris que c'est un service qu'on peut se rendre entre nous : ceux qui ont des voitures prennent des passagers, les passagers partagent les frais. C'est assez simple et sain. C'est de l'entraide.
Dift, c'est un peu ça aussi - une plateforme d'entraide. Je cherche à créer des ponts entre les entreprises, les associations, les particuliers, faire en sorte que tout ça communique et que ça ne soit pas en silo.
Ce qui me fascine dans ces plateformes que j'essaie de déployer, c'est la création de liens entre des gens qui autrement n'auraient pas collaboré. Il y a beaucoup de valeur d'optimisation dont notre monde a besoin - en termes environnementaux, sociaux - pour faire mieux avec moins. Moins consommer, moins polluer, moins consommer d'énergie.
Ces plateformes qui valorisent l'entraide entre structures ou entre personnes ont cette résilience liée au lien social.
PL : On parle souvent de résilience face aux crises ou aux problèmes négatifs, mais rarement face aux opportunités. Ce qui m'a marqué, ce sont par exemple les grèves à la SNCF : les gens ont besoin de se déplacer du jour au lendemain, et votre capacité à absorber ces pics de demande est bien supérieure à celle d'une entreprise qui devrait relancer une usine de production. Je trouve cette dimension intéressante.
J'aimerais également aborder l'aspect humain : le fait de porter des valeurs et d'avoir un impact positif - quelle influence cela a-t-il sur la culture d'entreprise et sur la force du collectif en interne, chez les salariés ?
FM : On a une culture très forte et très explicite chez BlaBlaCar. On l'a développée par intuition et par obligation. Quand on était 20, on n'était qu'en France. Quand on est passés à 50 personnes, on était déjà dans quatre ou cinq pays - Varsovie, Milan, Madrid, Paris.
On a remarqué que suivant les bureaux, les cultures pouvaient être différentes. On s'est dit : "On construit un truc global, il faut qu'on fonctionne de la même manière tous ensemble. On sera plus efficaces en étant synchronisés, accordés sur les valeurs."
On s'est posés à 50 pour écrire nos valeurs tous ensemble. On les utilise toujours aujourd'hui, plus de 15 ans après. Ça nous a énormément aidés et ça a construit une résilience d'équipe très forte.
Nos valeurs sont simples :
"Fun and serious" : on est extrêmement sérieux, mais on sait aussi passer du bon temps ensemble
"Fail, learn, succeed" : on échoue, on apprend, on réussit - ça donne le chemin vers la réussite et ça nous permet d'essayer et d'innover
"Share more, learn more" : plus on partage, plus on apprend - une attitude d'entraide pour porter tout le monde au maximum
Cette culture forte crée une résilience essentielle. Quand le bateau bouge, quand il y a des turbulences, si ton équipe est attachée autour de valeurs partagées et à la connexion humaine entre collègues, elle reste. C'est extrêmement important.
PA : J’ai une autre question concernant le modèle économique. Je sais que vous avez beaucoup évolué sur ce point chez BlaBlaCar. A-t-il été difficile de trouver le bon modèle ? Quels conseils donneriez-vous aujourd'hui à ceux qui cherchent à développer un modèle économique viable ?
FM : L’impact est dans l'œuf chez BlaBlaCar - c'est la raison d'être de la plateforme. Elle génère des économies d'énergie et d'argent pour tout le monde, c'est le cœur de l'activité. Tu ne peux pas le perdre parce que c'est ce qui fait la raison d'être.
Je parlais du facteur 700 tout à l'heure sur l'optimisation par rapport au monde physique. C'est dans la construction même du principe de générer de l'impact. De cette manière-là, tu ne peux pas l'oublier.
PA : Comment avez-vous trouvé votre modèle économique ?
FM : On a essayé six modèles économiques, donc on s'est plantés cinq fois. Cinq fois tu crois que tu vas réussir à faire croître l'entreprise, et cinq fois tu n'y arrives pas.
À un moment, on avait un modèle basé sur la vente de plateformes de covoiturage aux entreprises. Ces ventes généraient des revenus linéaires, alors que le site grand public - sans modèle économique - grandissait de manière exponentielle. Une exponentielle gagne toujours face à une linéaire. Quand tu as des coûts exponentiels et des revenus linéaires, ça ne dure pas longtemps. Ça s'appelle la faillite.
Il fallait absolument trouver un modèle économique pour le site grand public. Le jeu, c'est de calquer tes revenus sur la croissance de tes coûts, sinon c'est la faillite.
Faire un service pour 1 000 personnes, 10 000, 100 000, 1 million ou 100 millions - ça n'a rien à voir. On ne peut pas faire un service gratuit pour 100 millions de personnes, surtout avec 1 000 personnes qui travaillent pour livrer le service. Je ne sais pas faire travailler les gens gratuitement.
PL : Cette question s'adresse particulièrement aux personnes qui tentent de transformer leur entreprise de l'intérieur ou qui se lancent dans de nouveaux projets. Plusieurs participant(e)s m'ont demandé : en tant qu'entrepreneur, quels conseils donnerais-tu à ceux qui veulent être ambitieux, avec une réelle volonté d'impact, tout en maintenant un modèle économiquement viable ?
FM : Il faut savoir rêver - parce que sans rêve, on n'a ni la motivation ni l'énergie - mais en même temps, il faut garder les pieds sur terre. Être pragmatique, c'est réussir à articuler ses ambitions avec ce qui est faisable dans l'existant. Il y a un côté très concret : avancer pas à pas, et penser en termes de remplacement des manières de faire obsolètes.
C'est ce que fait BlaBlaCar : on remplace un déplacement individuel par un déplacement partagé. Chez Dift, même logique : on remplace l'habitude d'offrir des cadeaux matériels par des cadeaux plus émotionnels - un don à une cause. Ça permet d'aborder des sujets plus profonds et ça crée un lien différent. Quand on soutient une cause qui tient à cœur à quelqu'un, ça enrichit la relation et ouvre la porte à d'autres discussions.
C'est une approche qui fonctionne, même si elle est moins radicale. Des entreprises comme La Vie ne disent pas "on arrête les lardons", elles proposent des lardons végétaux. C'est une alternative, un remplacement.
Il ne s'agit pas d'interdire ou de renoncer, mais de proposer une alternative plus intelligente et plus durable. On ne demande pas aux gens de bouleverser leurs habitudes : on leur propose simplement, au moment où ils font un choix, d'en faire un autre qui est presque identique - mais meilleur.
C'est comme ça qu'on parvient à transformer profondément les usages : en remplaçant des méthodes polluantes ou dépassées par des solutions plus efficaces, plus respectueuses et plus pertinentes, notamment sur le plan environnemental.
Les études réalisées par BlaBlaCar citées par Frédéric Mazzella
L'étude Entering The Trust Age qui indique comment BlaBlaCar a déployé un système de construction de confiance à l'échelle mondiale
L'étude Zero Empty Seats qui indique les quantités et la méthodologie autour du calcul de la diminution des émissions de CO2 du service BlaBlaCar
L'étude Nous rapprocher sur l'impact social du covoiturage
Pour aller plus loin
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