Capacité d'action collective : la compétence-clé du XXIe siècle
- Fiona Kornalewski

- il y a 12 minutes
- 8 min de lecture
Chez 2tonnes, nous croyons en la capacité d'action collective : mais qu'est-ce que c'est ?
Ce concept naît d’un constat simple : nous ne manquons ni d’informations ni de moyens, mais d’une véritable capacité à agir ensemble.
Dans un monde fragmenté et épuisé, restaurer cette puissance collective devient essentiel pour bâtir des organisations et des sociétés plus robustes.
C’est tout l’enjeu de notre démarche que nous vous expliquons dans cet article.
Le paradoxe de notre époque
Nous vivons un étrange paradoxe. Jamais l’humanité n’a disposé d’autant d’informations, jamais la conscience des enjeux (climatiques, sociaux ou économiques) n’a été aussi partagée, jamais nos moyens techniques n’ont été aussi puissants. Et pourtant, nous faisons face à une forme de paralysie collective, à une incapacité croissante d’agir ensemble face aux défis qui nous concernent tous.
Sur le climat, nous savons tout depuis un demi-siècle. Les rapports s’accumulent, les données se précisent, les alertes se multiplient. Et pourtant, l’action demeure dramatiquement insuffisante.
Dans les entreprises, les stratégies RSE échouent faute d’adhésion collective. Sur les territoires, des projets urgents stagnent malgré leur évidence. Dans nos démocraties, les blocages deviennent la norme.
Le véritable enjeu n’est donc ni un manque d’information, ni une question de moyens, ni même de volonté individuelle. C’est avant tout un problème de capacité d’action collective.
Qu'est-ce que la capacité d'action collective ?
La capacité d'action collective est la faculté d'un groupe à identifier des objectifs communs et à agir ensemble pour les atteindre, malgré la diversité des intérêts, des contraintes et des incertitudes.
Décortiquons cette définition :
Capacité : il s'agit d'une compétence qui se développe, pas d'un état binaire.
Action : pas seulement de la réflexion, mais un véritable passage à l'acte.
Collective : cela concerne un groupe, qu'il s'agisse d'une équipe, d'une organisation, d'un territoire ou d'une société entière.
La capacité d'action collective n'est pas un consensus mou où tout le monde serait d'accord sur tout. Ce n'est pas non plus l'affaire d'un leader charismatique qui entraînerait les masses, ni une obéissance aveugle venue du sommet, ni l'élimination magique des désaccords.
La capacité d'action collective c'est au contraire la capacité à agir ensemble malgré les désaccords. C'est une coordination organique, qui mêle initiatives ascendantes et orientations descendantes. Ce sont des compromis acceptés pour le bien commun. C'est une navigation collective dans la complexité.
Pourquoi la capacité d'action collective est en crise aujourd'hui
Pour 2tonnes, notre époque souffre de cinq pathologies qui minent systématiquement la capacité d'action collective.
La post-vérité
Impossible désormais de s'accorder sur les faits. Les "alternative facts" se sont généralisés. Les débats tournent en rond, faute de socle commun. Que ce soit sur le climat, les vaccins ou l'économie, chacun peut vivre dans sa propre réalité factuelle. Comment agir ensemble quand nous ne parlons plus du même monde ?
La fragmentation sociale
Les bulles informationnelles créées par les algorithmes nous enferment. Les clivages idéologiques se radicalisent. Le "nous" commun se délite au profit d'une individualisation extrême. Nous ne partageons plus les mêmes références, les mêmes espaces, les mêmes conversations.
La défiance généralisée
La confiance s'effondre : envers les institutions, envers les experts, envers "les autres". Cette défiance nourrit un triangle de l'inaction mortel, qui mêle sentiment d'impuissance et perception aiguë d'injustice. Sans confiance, la coopération devient impossible. Chacun se replie sur la protection de ses seuls intérêts.
L'épuisement collectif
Nous faisons face à un véritable burnout sociétal. Trop de crises simultanées. Plus d'énergie pour l'action collective. Le repli sur soi devient une stratégie de survie.
La culture de la compétition
L'hyper-compétition s'est généralisée là où la coopération devrait prévaloir. La logique du jeu à somme nulle domine : "si tu gagnes, je perds". La performance individuelle écrase systématiquement la contribution collective. Cette violence structurelle rend l'action collective presque impossible.
Conséquence logique : la capacité d'action collective se trouve au plus bas dans de nombreux contextes, précisément au moment où nous en aurions le plus besoin.
Les échelles de la capacité d'action collective
La capacité d'action collective concerne tous les niveaux de l'organisation humaine.
L'équipe (5 à 15 personnes) : c'est l'échelle de la coopération quotidienne, du climat relationnel immédiat.
L'organisation (15 à 5000 personnes et plus) : ici se joue l'alignement stratégique, la construction d'une culture commune, la capacité à se transformer collectivement.
Le territoire (commune, région) : cette échelle active la coopération multi-acteurs, les projets collectifs, la résilience territoriale.
La société (nationale, mondiale) : c'est l'échelle des grands défis comme le climat ou la paix, de la cohésion sociale, du fonctionnement démocratique.
Ces échelles sont profondément interdépendantes. Une capacité d'action collective forte dans les entreprises nourrit la celle d'un territoire. À l'inverse, une capacité d'action collective faible au niveau sociétal fragilise les organisations. Il faut donc travailler simultanément à tous les niveaux.
Les 5 ingrédients de la capacité d'action collective
Pour restaurer et cultiver la capacité d'action collective, il faut travailler cinq dimensions simultanément. Ces cinq ingrédients forment un système interdépendant : si l'un manque, tout le système s'affaiblit.
1. Rapport pragmatique à l'information
Il s'agit de se mettre d'accord sur les faits, de distinguer clairement faits, opinions et valeurs. Cela suppose de s'appuyer sur des sources fiables et plurielles, d'accepter les incertitudes inhérentes à la connaissance, et de développer un discernement collectif.
2. Cap commun
Un objectif ou une raison d'être qui transcende les intérêts individuels. Ce cap doit être assez large pour fédérer, assez précis pour orienter, et désirable pour tous les membres du collectif.
3. Confiance mutuelle
Tout commence par une croyance : celle que chacun fait de son mieux. De cette confiance naît la conviction que l’on peut réellement compter les uns sur les autres. C’est alors qu’émerge une sécurité psychologique, celle qui autorise la vulnérabilité sans crainte du jugement. Et de cette ouverture réciproque découle naturellement une dynamique d’efforts partagés, qui nourrit la véritable coopération.
4. Espérance collective
La croyance que plusieurs futurs sont possibles. La conviction que l'action a un impact réel : "c'est difficile mais faisable"
5. Capacité au compromis
Coopérer, c’est d’abord accepter de renoncer à une part de ses intérêts pour obtenir quelque chose de plus grand collectivement. C’est apprendre à dépasser les clivages pour construire des points de convergence. C’est viser le « suffisamment bon pour tous » plutôt que le « parfait pour soi ». C’est enfin maîtriser l’art de la négociation constructive, où chacun cherche à faire avancer l’ensemble plutôt qu’à imposer sa position.
Capacité d'action collective et robustesse : le lien essentiel
Dans un monde de polycrise, robustesse et capacité d'action collective sont indissociables.
Sans capacité d'action collective , pas de robustesse possible. La robustesse nécessite diversité, coopération et adaptabilité : des qualités impossibles à construire seul ou en mode strictement descendant. Les transformations échouent systématiquement sans adhésion collective.
À l'inverse, une capacité d'action collective forte génère naturellement de la robustesse. Elle permet l'absorption des chocs, l'adaptation collective rapide, la résilience face aux crises, l'innovation coopérative.
Comment cultiver la capacité d'action collective
Plusieurs leviers permettent de développer systématiquement la capacité d'action collective.
Les formats pédagogiques immersifs comme les ateliers 2tonnes ou Convergences privilégient l'expérience partagée sur le discours descendant. Cette construction collective de la compréhension active simultanément le rapport pragmatique à l'information et la définition d'un cap commun.
La gouvernance participative, avec des décisions co-construites, de l'autonomie dans un cadre clair et le principe de subsidiarité, active la confiance et la capacité au compromis.
Les espaces de dialogue authentique cultivent l'écoute profonde et l'expression sincère, renforçant confiance et compromis.
La célébration et les récits positifs valorisent les succès collectifs, partagent les réussites, créent des preuves de possibilité. Ils nourrissent l'espérance collective.
Le leadership facilitateur abandonne le "je sais" pour le "construisons ensemble". Il crée les conditions de l'émergence et modélise les comportements souhaités, activant tous les ingrédients simultanément.
Mesurer la capacité d'action collective
La mesure de la capacité d'action collective combine indicateurs quantitatifs et signaux qualitatifs.
Côté quantitatif, on peut observer le taux d'engagement des collaborateurs, le turnover, le nombre de projets transverses réussis, le délai moyen de prise de décision, ou le taux d'adoption des transformations. Mais ces indicateurs restent approximatifs.
Les signaux qualitatifs sont souvent plus fiables.
Signaux positifs : dialogue spontané entre services, désaccords exprimés et gérés de manière constructive , décisions respectées même par les opposants, ambiance bienveillante et énergisante, entraide spontanée, humour et légèreté, succès célébrés collectivement.
Signaux négatifs : silos étanches, conflits sous le tapis, décisions contournées ou sabotées, ambiance tendue, attitude "chacun pour soi", cynisme ambiant, individualisation des succès.
L'important n'est pas tant l'état absolu que l'évolution dans le temps.
Les ennemis de la capacité d'action collective en entreprise
Certaines pratiques détruisent systématiquement la capacité d'action collective.
La culture de la performance pure installe une compétition interne, des objectifs individuels contradictoires, un état d'esprit où le gain de l'un est forcément la perte de l'autre.
Le management par la peur punit les échecs, abolit la sécurité psychologique, encourage la rétention d'information.
L'opacité stratégique, avec ses décisions en coulisses et ses informations filtrées ou cachées, crée mécaniquement de la défiance.
La sur-hiérarchisation impose un mode exclusivement descendant, abolit l'autonomie locale, infantilise les équipes.
L'absence de reconnaissance invisibilise les efforts, ne valorise pas les contributions, démotive profondément.
Capacité d'action collective et transformation : le facteur critique
Une statistique éclaire crûment l'enjeu : 70% des transformations organisationnelles échouent. La raison principale ? Le manque de capacité d'action collective.
Sans capacité d'action collective, la résistance passive devient massive. Le sabotage inconscient se généralise. Le retour à l'ancien modèle s'opère inexorablement. Le porteur de projet s'épuise. L'échec est quasi-garanti.
Avec capacité d'action collective, tout change. L'appropriation devient collective. Les solutions se co-construisent. Le groupe fait preuve de résilience face aux obstacles. L'énergie se renouvelle. La transformation s'inscrit dans la durée.
La capacité d'action collective n'est donc pas un "nice to have" dans la transformation. C'est le facteur critique de succès.
Études de cas : la capacité d'action collective en action
La Louve illustre une CAC maximale. Ce supermarché coopératif parisien rassemble 7000 coopérateurs dans un modèle radicalement participatif. Les cinq ingrédients y sont activés. Résultat : un modèle viable, inspirant et résilient.
Une PME industrielle (anonymisée) a connu une crise profonde avant de se reconstruire par la CAC. Quatre années de travail systématique ont permis de faire passer le turnover de 35% à 8% et de multiplier l'engagement par 2,5. La transformation a réussi.
Un territoire climat (cas composite) de 50 000 habitants visant la neutralité carbone a fait le choix d'une stratégie CAC : 1500 personnes formées via l'atelier 2tonnes. Résultat : 25% de réduction des émissions en cinq ans et une cohésion sociale renforcée.
Point commun de ces trois exemples : un travail systématique sur les cinq ingrédients de la capacité d'action collective.
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Le constat est clair : nous faisons face à une polycrise sans précédent. Nos sociétés, fragmentées et épuisées, ont perdu une grande part de leur capacité d’action collective... précisément ce dont nous aurions le plus besoin aujourd’hui.
Trois chemins s’ouvrent à nous. Le premier, celui de la crispation autoritaire : la quête d’ultra-performance, la violence, l’impasse. Le second, celui de l’effondrement : la résignation, le chaos, la souffrance. Le troisième, le seul durable, est celui de la robustesse par l’action collective.
Il s’agit de cultiver, à toutes les échelles, les cinq ingrédients de la coopération, dans une transformation progressive mais continue. Car cette capacité existe déjà : dans des milliers d’initiatives, elle prouve chaque jour qu’elle est contagieuse, accessible, et profondément humaine.
Dans un monde en polycrise, l’action collective n’est pas un luxe : c’est notre unique chance de traverser ce siècle sans sombrer. Et c’est une belle nouvelle, car reconstruire ce « nous », c’est déjà réenchanter le monde !






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